Il y a encore peu, l’Europe semblait avancer péniblement sur son projet d’euro numérique, une monnaie destinée à moderniser les paiements et compenser le recul du cash. L’initiative paraissait lente et prudente, jusqu’à ce que les États-Unis prennent une longueur d’avance avec l’adoption du GENIUS Act.

Cette loi, votée par le Congrès, a donné un cadre légal clair aux stablecoins comme l’USDC et le Tether, tous deux adossés au dollar. Résultat : le dollar numérique s’est trouvé propulsé au centre du jeu, forçant l’Union européenne à revoir ses priorités. Selon le Financial Times, Bruxelles viserait désormais 2027 pour lancer son euro numérique, soit deux ans plus tôt qu’annoncé.
Accélération
Derrière cette accélération se cache une question de souveraineté. Pour la BCE, laisser les stablecoins américains dominer le marché reviendrait à affaiblir le rôle international de l’euro.
Comme l’a rappelé Piero Cipollone, l’Europe ne peut dépendre de solutions de paiement venues d’ailleurs. Il lui faut son propre outil numérique pour rester compétitive et crédible face aux grandes puissances monétaires.
Cette urgence s’accompagne d’une idée surprenante : utiliser une blockchain publique, décentralisée et ouverte, à l’image d’Ethereum ou Solana. Une rupture majeure, car jusqu’ici les banques centrales privilégiaient des réseaux fermés, mieux contrôlés mais plus coûteux et moins transparents.
Un tel choix pourrait offrir à l’euro numérique des atouts décisifs. L’efficacité technique permettrait de réduire les coûts et de fluidifier la gestion, tandis que la transparence renforcerait la confiance des citoyens. Mais ce pari soulève aussi de sérieux défis.
La question de la vie privée reste sensible : comment garantir que les transactions ne deviennent pas un outil de surveillance ? Les banques commerciales redoutent aussi d’être marginalisées si les particuliers préfèrent stocker leurs fonds directement en euro numérique. Enfin, l’Europe devra naviguer dans un paysage international déjà animé par la Chine et les États-Unis, afin d’éviter un choc de normes et de régulations. L’euro numérique se joue donc à la croisée des chemins entre innovation, souveraineté et équilibre économique.